Optimisez votre programme CSRD avec les normes SASB

MJ Privyk and Marc Escande

,

ESG reporting
Global ESG Perspectives
ESG Insights
MJ Privyk and Marc Escande
ESG Insights by FinComm
ESG Insights par FinComm
Publié le :
September 2, 2024
Published on:
September 2, 2024

Le monde des affaires de l’Union européenne – et dans une large mesure du monde entier – doit faire face au changement radical apporté par la directive sur le reporting de durabilité (CSRD) et ses normes européennes d’informations de durabilité (ESRS). Plus de 45 000 entreprises européennes et non européennes sont assujetties à la CSRD, et elles en entraînent inévitablement d’innombrables autres qui font partie de leurs chaînes de valeur.

Si la mise en œuvre des nouvelles exigences réglementaires visant à produire des informations de durabilité normalisées, auditées, numérisées et étiquetées en XBRL semble intimidante, c’est parce qu’elle l’est ! Ces exigences sont complexes, transformationnelles et multidimensionnelles.

La matérialité comme pierre angulaire

La pierre angulaire de la CSRD est le principe de matérialité, selon lequel les entreprises doivent déterminer les enjeux de durabilité qui sont importants pour elles et qu’elles doivent donc gérer et divulguer. En vertu de la CSRD, cette matérialité doit être déterminée en appliquant une double optique, c’est-à-dire en examinant les enjeux de durabilité que l’entreprise affecte par ses activités (matérialité d’impact ou “inside-out”) et les enjeux qui affectent les opérations de l’entreprise (matérialité financière ou “outside-in”). La matérialité doit également être déterminée sur l’ensemble de la chaîne de valeur et sur plusieurs horizons temporels.

Le principe fondamental est que les entreprises doivent gérer et divulguer les enjeux de durabilité qui comptent pour elles, et non ceux qui ne comptent pas. Sauf quelques exceptions (changement climatique et principaux indicateurs d’impact négatif de la SFDR), les ESRS stipulent que les utilisateurs des rapports de durabilité doivent interpréter l’absence de divulgation sur un enjeu de durabilité ou une donnée spécifique comme signifiant que ces éléments ne sont pas matériels pour l’entreprise.

Il n’est donc pas surprenant que le premier obstacle majeur que les entreprises doivent surmonter pour se conformer à la CSRD soit de procéder à une analyse robuste de double matérialité pour déterminer ce qu’elles doivent inclure dans leurs divulgations en matière de durabilité.

L’EFRAG a fait de son mieux pour expliquer en quoi consiste une analyse de matérialité et comment la réaliser. Dans son guide de mise en œuvre de l’analyse de matérialité, elle recommande la compréhension du contexte comme première étape du processus (étape A), y compris la compréhension des « activités, produits/services et emplacements géographiques de l’entreprise ». Elle fait également référence à l’utilisation des normes internationales de durabilité ISSB de la Fondation IFRS comme intrant pour la détermination de la matérialité (en faisant spécifiquement référence aux normes SASB), car pouvant servir ‘d'autres informations contextuelles’.

Le guide fait également référence à la prise en compte des normes SASB lors de l’identification ‘d’informations spécifiques à l'entreprise’, sur des enjeux que l'entreprise a jugés matériels mais qui ne sont pas actuellement couverts par les normes ESRS, rappelant aux lecteurs qu'il s'agit de fait d'une exigence de ces normes.(1)

Pourquoi l’EFRAG ferait-elle cela ? Tout simplement parce que les normes SASB ont depuis longtemps déterminé la matérialité par secteur d’activité d’une multitude d’enjeux de durabilité et de mesures de performance afférentes. 

(Ré)introduction des normes SASB

En 2018, le Sustainability Accounting Standards Board (SASB) a publié un ensemble impressionnant de 77 normes comptables sectorielles sur la durabilité (fruit de huit années d’analyses rigoureuses et d'interactions avec des milliers de parties prenantes), partant du principe fondamental que la matérialité des enjeux de durabilité dépend essentiellement du secteur d’activité d’une entreprise. Étant donné qu’elles ont été élaborées par et pour des praticiens des marchés financiers, elles se concentrent sur la matérialité financière, c’est-à-dire sur les enjeux les plus susceptibles d’affecter les performances opérationnelle et financière des entreprises, leurs actifs et passifs, leur profil de risque et leur coût du capital.  

Pour avoir une vue plus complète de la structure, de la précision et de la richesse des contenus des normes SASB, nous vous recommandons la lecture de cet article paru en 2019.

Depuis leur publication, l’adoption des normes SASB par les sociétés cotées en Bourse a été rapide et impressionnante. On estime que 78 % des entreprises du Russell 1000 ont aligné leur rapport de développement durable 2022 sur ces normes (contre 54 % pour les normes GRI)(2), tandis que le SASB a recensé un total de 2 499 entreprises à travers le monde appliquant totalement ou partiellement les normes pour cette même année de reporting.

De nombreux changements ont eu lieu au cours des six dernières années, notamment la consolidation du SASB au sein de la Fondation IFRS et l’inclusion des normes SASB dans les normes de divulgation de la durabilité (IFRS SDS ou IFRS S1 et S2) créées par l’ISSB. À la suite de cette consolidation, les normes SASB ont été revues et actualisées pour les rendre applicables à l’échelle internationale, et elles font partie des exigences des normes IFRS SDS lors de la prise en compte des risques et opportunités matériels liés à la durabilité (IFRS S1, §55a) et des divulgations requises (IFRS S1, §58a).

Plus récemment, l'EFRAG et l'ISSB ont officialisé leur étroite collaboration et leurs travaux en cours, notamment avec la publication en mai 2024 du guide d'interopérabilité ESRS-ISSB. Cela est important pour les entreprises de l'UE pour deux raisons.

Premièrement, compte tenu de l’obligation de l’EFRAG d’élaborer des normes sectorielles au cours des deux prochaines années, il semble désormais probable qu’elle s’appuiera sur les normes SASB existantes pour ce faire, tandis que l’ISSB pourrait bien s’appuyer sur les normes thématiques ESRS pour élaborer ses propres normes thématiques sur la biodiversité, les écosystèmes et les services écosystémiques et le capital humain. En conséquence, nous devrions voir une plus grande harmonisation entre les deux séries de normes, et non l’inverse, et l’application immédiate des normes SASB ne ferait que faciliter la conformité future des rapports.

Deuxièmement, les efforts considérables déployés pour faire des normes IFRS SDS une référence mondiale en matière d’informations sur la durabilité commencent à porter leurs fruits, puisque plus de 20 juridictions ont déjà pris des mesures pour introduire les normes dans leurs cadres juridiques ou réglementaires. Ensemble, ces juridictions représentent près de 55 % du PIB mondial, plus de 40 % de la capitalisation boursière mondiale (75 % hors États-Unis) et plus de la moitié des émissions mondiales de gaz à effet de serre.(3) Cela signifie que les entreprises du monde entier se conformeront à des exigences de divulgation identiques ou similaires, qui incluront les normes SASB. Par conséquent, l’application des normes SASB aiderait les entreprises de l’UE à aligner leurs informations sur celles des autres pays et à fournir des informations comparables aux utilisateurs.

Comment utiliser les normes SASB pour se conformer à la CSRD-ESRS

Afin de tirer le meilleur profit des normes SASB pour se conformer à la CSRD-ESRS, nous recommandons de procéder en quatre étapes.

  1. Identifier la ou les normes SASB applicables à votre entreprise

Sur le site de SASB vous pourrez utiliser cet outil, alimenté par le système de classification sectorielle de durabilité conçu par SASB (SICS), pour identifier et télécharger (sans frais) la ou les normes s’appliquant à votre entreprise — car vous pouvez utiliser plusieurs normes sectorielles si votre entreprise est diversifiée. Nous vous encourageons à prendre le temps de bien lire les normes que vous aurez choisies. 

  1. Identifier les enjeux et mesures de performance appropriés

Pour chaque enjeu et mesure de performance inclus dans la ou les normes SASB que vous aurez choisies, il s’agit de décider s’ils sont matériels pour votre entreprise — comme pour les ESRS, les entreprises n’ont pas besoin de divulguer un enjeu ou une mesure qu’elles jugent non matériels.

  1. Établir une correspondance avec les normes thématiques ESRS

Pour chaque enjeu que vous aurez retenu comme matériel à l’étape précédente, il convient ensuite  de vérifier dans les ESRS (en commençant par la liste des sous-sous-sujets énumérés dans ESRS1 §AR16 et en remontant la chaîne jusqu’à l’une des 10 thématiques) s’il existe une norme thématique correspondante — à partir d’ici il s’agira de poursuivre le processus d’application des normes ESRS (celui-ci dépassant la portée de cet article, veuillez vous référer à votre expert ou consultant préféré en la matière).

De la même manière, pour chaque mesure de performance que vous aurez retenue comme matérielle à l’étape deux, il convient de vérifier dans les ESRS si pareille mesure existe, afin de vous assurer de l’inclure parmi les informations à fournir.

  1. Se conformer aux exigences d’informations spécifiques à l’entreprise

Tous les enjeux et mesures de performance que vous aurez identifiés à l’étape 2 et qui n’auront pas trouvé leur équivalent dans les normes thématiques ESRS à l’étape 3 seront quand même à divulguer en vertu de l’exigence d’inclure des ‘informations spécifiques à l’entreprise’ sur des enjeux que l'entreprise a jugés matériels mais qui ne sont pas actuellement couverts par les normes thématiques ESRS.

L’utilisation des normes SASB conduit à de meilleurs résultats de divulgation

L’utilisation des normes SASB permet d’accélérer le parcours de conformité à la CSRD de votre entreprise lorsqu’elles sont utilisées :

  • comme informations contextuelles pertinentes dans votre processus d’analyse de double matérialité
  • pour identifier les ‘informations spécifiques à l’entreprise’ sur des enjeux que vous avez jugés matériels mais pour lesquels il n’existe actuellement pas de norme ESRS
  • comme précurseur aux futures normes sectorielles de l’EFRAG
  • pour s’aligner sur les informations divulguées par les entreprises dans de nombreuses juridictions adoptant les normes ISSB et ainsi fournir aux utilisateurs des informations comparables

Ultimement, l’utilisation des normes SASB pour déterminer les enjeux de durabilité matériels et produire les divulgations requises facilitera le processus d’audit externe et optimisera ses résultats. En effet, les auditeurs ne vérifieront pas tant les résultats que le processus(4) par lequel les enjeux matériels auront été déterminés, de sorte que toute documentation à cet effet sera utile. Ils chercheront également à vérifier les divulgations par rapport aux normes qui ont été appliquées pour les produire.

Il ne fait aucun doute que les rapports de développement durable des entreprises connaissent un changement de paradigme qui nécessitera du temps, des efforts et des ressources pour l’effectuer. Notre mantra, inspiré par Albert Einstein, est de rendre les choses aussi simples que possible, mais pas plus simples.

__________

(1) Dans EFRAG IG1 : “ESRS 1 AR 4 an undertaking shall consider IFRS Standards [which include SASB Standards] as a source of possible entity-specific disclosure. In addition, ESRS 1 transitional provisions (paragraph 131 (b)) identify IFRS [industry] standards as a source of disclosure that an undertaking may use in the definition of its entity-specific disclosures in the absence of ESRS sector-specific standards. While for ESRS preparers the use of SASB standards is optional (as this is a possible source of disclosure but not the only one), the provision of entity-specific disclosure, including sector metrics, is a requirement (see ESRS 1 paragraph 11, AR 1 to AR 5).”

(2) 2023 Sustainability Reporting In Focus, G&A Institute

(3) Jurisdictions representing over half the global economy by GDP take steps towards ISSB Standards, IFRS Foundation, 28 mai 2024

(4) “The information in question must be disclosed if it is material, and the undertaking's materiality assessment process is subject to external assurance in accordance with the provisions of the Accounting Directive.” EC, 31 juillet 2023, Questions and Answers on the Adoption of European Sustainability Reporting Standards

__________

À propos des auteurs :

Marc Escande est le président de Sustain It Right. Doté de plus de 20 ans d’expérience opérationnelle combinant les domaines du Supply Chain Management et de l’ESG, il a contribué à de nombreuses reprises à la conception et au déploiement de solutions logicielles innovantes. La plateforme SaaS de Sustain It Right permet aux entreprises de tirer le meilleur profit de leurs programmes de mise en conformité à la CSRD, aux IFRS S1 & S2 et aux normes SASB, en en minimisant drastiquement leurs coûts de gestion et en maximisant leur pouvoir de transformation des modèles d’affaires. 

Marie-Josee Privyk est experte-conseil ESG et fondatrice de FinComm Services, qui fournit aux particuliers et aux entreprises des informations et des services-conseils en matière de reporting de durabilité. Marie-Josée est une praticienne expérimentée des marchés financiers et ancienne cheffe de l'innovation ESG d'un chef de file dans le domaine des logiciels de gestion de données ESG. Sa plateforme ESG Insights Collective aide les praticiens en reporting de durabilité à exceller avec les informations et les conseils dont ils ont besoin.

By clicking “Accept All Cookies”, you agree to the storing of cookies on your device to enhance site navigation, analyze site usage, and assist in our marketing efforts. View our Privacy Policy for more information.